[Chronique] Kaaris – Le Bruit de mon âme

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Or Noir avait été en 2013 le rouleau compresseur qui affirmait Kaaris comme ce rappeur à la brutalité et à l’énergie sans égale. La formule semblait être simple: les os se brisaient, les fluides corporels giclaient. Qu’on en rit, qu’on en ait peur, qu’on adhère complètement ou pas du tout au propos, tout le monde avait entendu parler de Kaaris. Il avait fait son trou avec cet album puissant contenant son lot de pépites comme ses quelques déchets. Mais cette brutalité, cette force bête et méchante, pouvait s’essouffler et s’arrêter à un seul succès comme l’ont déjà fait bien d’autres phénomènes rap. Elle pouvait également devenir monotone et lasser en devenant moins bien exprimée. Chronique de ce deuxième album, (qui aurait pu être) un cap difficile.

L’album commence fort. KadirovSe-vrakFour est un enchainement qui mettrait en fuite un régiment. Enchainement meurtrier qui introduisait déjà Or Noir : BizonZooCiroc. La déferlante de violence sans temps de pause est la même. Même ouverture et même structure qu’Or Noir. Le Bruit De Mon Âme possède son lot bien complet de bangers surpuissants (Se-vrak, Four, Trap, Magnum,…) comme Or Noir. Il possède également son lot de morceaux plus calmes (Tripoli, Le Bruit De Mon Âme, Les Oiseaux,…) comme Or Noir. Le Bruit De Mon Âme est un peu long et possède aussi son lot de pépites comme ses quelques déchets. Et au final, Le Bruit De Mon Âme, comme Or Noir, est très efficace.

J’suis pas venu mettre le doute dans ta tête,
J’veux juste mettre du foutre dans ta schnek.

Efficace car Kaaris sait y faire. La voix surpuissante se sert du beat de Therapy comme un viking utiliserait sa hache. Ils vont bien ensemble, ça saigne, mais tout est réglé à la perfection. Ses phrases hachées résonnent sur cette trap basique, saturée, aux basses surpuissantes. L’introduction Kadirov nous emporte immédiatement dans l’orgie de violence. La maitrise du flow de K2A ne fait pas défaut, les mots percutent le beat et chaque silence pue l’attente de la prochaine violence qui sera faite à notre oreille. Dès que le rythme le permet, un gimmick vient remplir l’espace, pas de répit pour l’auditeur. Kaaris est en guerre et ce ne sont pas les idéaux de tolérance à la française qui vont le faire changer d’avis. La morale du XXIème siècle, les doutes existentiels, la politique, l’amour, ce ne sont que des conneries pour Kaaris. Rien de réactionnaire, ses constantes références à diverses cultures actuelles l’ancrent avant tout en 2015. Sa posture est claire : malgré la société compliquée d’aujourd’hui, il n’y a qu’une seule vérité, ou plutôt trois : l’argent, les femmes et le pouvoir. A la conclusion de toutes ses phases, il y a cela : gagner de l’argent, coucher avec de belles femmes, vaincre l’adversaire. Tout le reste, passé sous le tank tagué «27-0-4124 », finit broyé.

La violence de son texte trouve son génie dans ces punchlines qui sortent soudain du lot. Il les construit parfois comme phases iconiques, parfois comme vannes – elles font mouche à bien des coups, dans leur caractère grotesque ou dans leur finesse. Le ton inflexible avec lequel Kaaris les débite accentue l’image de rouleau compresseur que le rappeur donne et les punchlines drôles dont le rappeur n’a pas perdu le secret en sortent d’autant plus déconcertantes.

Pétasse, j’ai envie de voir tes gros seins, viens on se fait un sexcam,
Négro, tu veux voir mon gros flingue ? Appelle-moi par FaceTime.

Si Le Bruit De Mon Âme donne la même impression de puissance qu’Or Noir, une autre facette y existe également. Dans 80 Zeutrei, Zone de Transit, Les Oiseaux et plus clairement dans Le Bruit De Mon Âme, Kaaris se livre un peu. Moins évidents pour le rappeur à l’image très violente, ces morceaux participent parfois aux longueurs de l’album. Ils sont néanmoins mieux maitrisés que dans Or Noir. Ils nous accordent quelques temps morts bienvenus comme ces quelques bons refrains de Kaaris, tout en restant bien dans la couleur de l’ensemble grâce au magicien Therapy.

Par ailleurs, la présence de featurings est une évolution notable par rapport à Or Noir. Malheureusement, Kaaris est si difficile à suivre que la plupart des apparitions d’autres rappeurs contribuent à créer ces morceaux de trop de l’album, qui cette fois encore, aurait pu être plus court et plus intense. Vie sauvage en est un exemple où le bon couplet de Kaaris n’arrive pas à compenser les prestations moyennes des autres Sevranais de 13 Block. Néanmoins, Crystal avec Future est une vraie réussite. L’art du refrain du rappeur d’Atlanta et son flow mâché sont merveilleusement complémentaires à la puissance de K2A. Ce morceau est un point d’orgue de l’album, à l’heure où beaucoup de collaborations franco-américaines n’ont d’attraits que les noms qu’on peut lire dans le titre.

Au final, Le Bruit De Mon Âme est définitivement dans la lignée d’Or Noir mais sans décevoir. L’évolution, l’ouverture, Kaaris ne sait même pas ce que c’est. Du sale et encore du sale, c’est tout ce qu’il nous offre. Quelques petites améliorations, des boutons mieux réglés, c’est tout ce qui semble différencier Or Noir du Bruit De Mon Âme. La formule continue à fonctionner, portée par l’alchimie proche de la perfection avec Therapy. Néanmoins, cette fois encore, on regrette les quelques morceaux en-dessous du lot tel que Vie Sauvage ou Voyageur. Cet album de 77 minutes tombe à nouveau dans le travers des projets trop longs. Le rappeur n’a par contre rien perdu de sa puissance et de son éloquence, et, comme s’il lui fallait quelques déchets pour pondre quelques vraies merveilles de violence gratuite, Kaaris continue, infatigable, à donner le meilleur du rap « hardcore » d’aujourd’hui. Sa posture sans compromis, dérangeante, sa situation claire dans le rap à l’extrême du rap brutal de rue, font de K double Rotor un personnage incontournable du rap français. Il est de toutes les fêtes, assez brutal pour avoir une street crédibilité des plus affirmées, mais assez théâtral pour être largement apprécié au second degré. Une chose est sûre, sa silhouette de grand singe n’a pas fini de hanter les rêves du rap français.

– Loïck

Chroniques Rap FR

[Rétro] Lino – Paradis assassiné

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L’annonce du retour dans le rap de Lino, membre le plus éminent du duo Ärsenik, a fait quelques remous dans le milieu ces derniers temps. En mai 2012 déjà, était sorti le projet ovni Radio Bitume. Disponible du jour au lendemain sans aucune promotion, le projet est alors invalidé par l’artiste qui n’en a pas désiré la sortie. Ce 15 titres est en effet peu présentable, peu ou pas mixé, il laisse voir des titres en fourre-tout, la cover-même date de 2005. Ce projet, possédant de bons titres et recevant malgré tout un accueil favorable, aura l’avantage de remettre Lino sur le devant de la scène, place qu’il avait quitté depuis déjà quelques années. On se souvient alors de la puissance de frappe des lyrics du emcee. C’est en 2014, avec des apparitions de plus en plus fréquentes, que la moitié d’Ärsenik annonce un nouvel album. Mais que vaut vraiment Lino sur un album solo? L’homme dont certains disent qu’il a l’écriture la plus fine du rap français et capable de véritable coup de génie tient-il la distance sur un album complet? Pour en savoir plus, il est intéressant de faire un détour par son premier solo, Paradis assassiné, sorti en 2005 sans faire trop de bruit, 7 ans après Quelques gouttes suffisent… le premier solo qui placera les deux frères d’Ärsenik sur le panthéon du rap français.

Paradis assassiné débute avec le titre Interview, originalité de Lino qui se présente par un jeu de question-réponse classique en vis-à-vis avec lui-même. Déjà à ce stade, Lino étonne. Sans sortir du cadre restreint et plutôt basique de l’interview, Lino parvient tout de même à être très bon. Le texte a déjà la marque du génie de M. Bors en 3 trois minutes de présentation. Les thèmes basiques où Lino expose ses capacités resteront caractéristiques de l’album et de l’artiste. Malheureusement, ce début nous fait aussi attendre un élément que l’on n’aura pas: un album bien cohérent portant un concept. En effet, après ce premier titre qui annonce le caractère personnel de l’album, suit Stress, piste s’ouvrant avec un accapella impressionnant puis continuant sur un texte à thèmes à propos de tout ce qui pèse le rappeur dans ce game. Mais le reste ne suivra pas une ligne directrice, le titre oxymorique de l’album reste en retrait et ne donne pas le ton à l’ensemble.

« Tu veux que je ponde un truc peace dans ma discographie?
J’avais déjà le doigt levé dans l’échographie »

Au long des 70 minutes de l’album, on redécouvre Lino dans ses thèmes classiques. La rue aura une place de choix, mais vu par les yeux d’un homme de 30 ans. Sur Délinquante musique, Lino fait plus que chanter la rue, il explique pourquoi ce thème ne pourra pas quitter ses textes. Sur cet album, M. Bors révèle aussi qu’il a muri (vieilli) par des titres moins hardcore, dans quelque chose de plus sérieux. L’expérience est peu convaincante sur Chant Libre ou Langage du cœur, qui casse un peu le ton,  jusqu’à ce fameux Où les anges brûlent. Une fois n’est pas coutume, Lino construit un titre avec trois storytelling magnifique qui retrace trois jeunesses tragiquement terminées. Portant le génie de l’écriture de Lino, ce titre, en plus d’être le point d’orgue de cet album, prouve la polyvalence du rappeur.

« Il tue le temps, à moins que ce soit le contraire,
avec ses confrères, tombent dans tous les pièges que la rue tend »

Cet album est marqué par quelques coups de véritable génie dans le style nonchalant et provocateur de Lino. La voix nasillarde, le flow et le texte meurtrier de Lino parviennent parfois à créer des ambiances magiques (Stress, 95, Rue Borsalino, Où les anges brûlent). Mais les déchets sont tout de même très présents. Les featurings, tant pour les refrains chantés que pour les innombrables couplets de rappeurs peu connus, collent mal à l’ensemble. L’exception est le titre Première catégorie avec Calbo et Booba, où les trois rappeurs se comprennent clairement dans un bon son cru. L’ensemble souffre ainsi d’un manque de cohérence. Les thèmes très différents auraient réellement pu s’arranger mais une mauvaise conception et un manque de soin laisse entendre quelque chose de désuni.

Ainsi, la seule chose qui est vraiment soigné et qui donne toute sa qualité à cet album, c’est la magnifique plume de Lino qui ne faillit sur aucun titre. Ceux qui cherchent le secret de son écriture risquent de chercher encore longtemps. On retrouve Lino en 2005 comme un rappeur qui a évolué et élargi ses thèmes, bien qu’on y trouve toujours la rue, pas décidé à le quitter. Toujours hardcore, (« un bon président, c’est un mort ») mais avec une lucidité accrue sur sa vie, sur sa (la) jeunesse, sur le système. Il est malgré tout triste de voir ses qualités lyriques donner un projet si mal réalisé. Lino donne, au final, dans ce projet comme dans Radio Bitume, l’image du trop bon élève qui ne se donne plus la peine de soigner sa copie. Mais, pour revenir en 2014, la bonne nouvelle, c’est que ses deux nouveaux singles sont très propres autant lyricalement, à la production que dans leur clips. Lino semble enfin décider à donner à sa plume les moyens de sortir un bel album solo. On ne peut que s’en réjouir.

– Loïck

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[Chronique] ScHoolboy Q – Oxymoron

Mardi 25 février 2014 aura été un petit évènement pour le Hip Hop. Oxymoron, annoncé et attendu depuis plus d’un an, sort enfin dans les bacs. ScHoolboy Q met ainsi fin à une attente interminable et en profite pour se retrouver au centre de toutes les attentions. 

Après une première écoute, la plupart des fans de Groovy Q auront certainement un petit goût amer en bouche, une sorte de déception face à un album dont ils attendaient énormément. Il faut dire qu’avec tout ce qui a précédé la sortie de cet opus, beaucoup espéraient un album d’une dimension supérieure. Raté. Mais cela ne signifie pas qu’Oxymoron est un mauvais album, loin de là. Car le vrai niveau de cet album ne se révèle qu’une fois la première écoute et toutes les attentes l’entourant mises de côté. Ce n’est qu’une fois détaché de ces espérances qu’on peut enfin apprécier cet opus à sa juste valeur.

Cette petite déception donc, est due à une dimension que l’album n’a pas. En effet, on s’attendait à une cohérence présente du début à la fin, et force est de constater que certains morceaux font tâche. Que vient faire Collard Greens, son aux penchants pop et plutôt festif, ou Man of The Year au milieu d’une atmosphère sombre qui semble être le leitmotiv de cet album? Ces singles, nécessaires pour la promo de l’album et pour toucher un public de plus en plus large, et bien que d’un très bon niveau, ne s’insèrent pas au mieux dans l’ambiance globale de cet opus, et nuisent finalement à la cohérence du projet. Il en va de même pour Los Awesome (feat. Jay Rock), pourtant doté d’un très bon couplet de Jay Rock ou The Purge (feat. Tyler, The Creator & Kurupt) qui ne collent pas au rythme de l’album.

Cependant, ces morceaux mis à part, le reste de l’album s’avère être très cohérent, que ce soit dans l’ambiance ou dans le style. On fait de la sorte face, le tout dans une atmosphère lourde et très sombre, à des morceaux posés, voir presque intimes, à l’image de Blind Threats (feat. Raekwon) ou Grooveline Pt. 2 (feat. Suga Free) (Deluxe Edition), ainsi qu’à des sons bien plus aggressifs et dans lesquels on retrouve ce chien fou et enragé qu’est ScHoolboy Q. C’est le cas sur Gangsta par exemple, qui ouvre de la meilleure des manières cet album, ou encore sur What They Want (feat. 2 Chainz) ou Break The Bank. Et pour que le lien entre ces deux postures soit complet, certains morceaux comme Studio (feat. BJ The Chicago Kid) ou Hell of A Night font office de mix entre instrumentales mélodieuse et rythme assez tranquille et cette touche d’agressivité que l’on retrouve dans la voix de Q.

Au final, cette déception, presque inévitable tant les attentes étaient grandes, qui nous frappe au premier abord n’est que passagère. Car c’est une fois seulement que cette première impression a été mise de côté que l’on peut réellement s’ouvrir à cet album. Lorsque cette étape est passée, ces sons nous emmènent de force dans cette ambiance sombre que ScHoolboy Q maîtrise à merveille et ne nous lâchent plus.

Par Manu.

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[Chronique] Deen Burbigo – Fin d’après-minuit

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« On est peut-être pas les plus forts, on a peut-être rien inventé, mais on a remis le rap à la mode quand tu préparais le plan B »

Par cette phase, Deen Burbigo marque un grand point. Si son crew L’Entourage n’a pas fait que des bons morceaux et n’a rien amené de particulièrement original dans le rap français, il a contribué à y apporter un renouveau. Ce renouveau, tout relatif qu’il soit, fût bâti sur le concept du retour aux sources, mais aussi sur l’accessibilité plus grande qu’avaient les nouveaux venus. Si la Sexion d’Assaut, grande révélation quelque deux ans avant L’Entourage, avait encore un caractère très street, le collectif de Deen semble très ouvert. Certains parleront de perte d’authenticité, mais 1995 & Cie ne changent pas d’objectif et séduisent un public de plus en plus grand, visant plus large. Il semble que le rap ait fait un pas en dehors de ses usuelles banlieues, en direction de la classe moyenne.

Fin d’après-minuit est le titre du nouvel EP de Deen Burbigo. Par cette expression construite, l’artiste met en évidence son décalage horaire avec le monde des travailleurs : environ 12 heures. Cette idée, justifiée par un mode de vie festif à outrance est développée dans le titre éponyme. On remarque son ouverture ici aussi : quel sujet plus populaire que celui de la fête chez les jeunes ? Le premier morceau annonce le début de l’âge d’or du rap français et fait sourire de positivisme tout auditeur. Ensuite Deen parlera de chiller, d’oseille en terminant sur un côté plus philosophique, sans lâcher sa teille et son joint.

« Si ya du Sun et de l’herbe, je sors prendre l’air
Si y a plus de cons’ c’est tout con, je sors prendre l’herbe »

A l’instar d’une certaine tendance venant des USA, la teinte de cet EP prend un aspect sudiste. D’abord au sens strict, les productions ont un rythme plus lent, ils subissent l’influence des beatmakers sudistes. Mais on retrouvera un côté plus ensoleillé aussi par des chœurs samplés, des mélodies chaudes ou par la magnifique prestation de Némir sur J’résiste. Le flow de Deen, toujours appréciable, s’accorde bien à cette atmosphère pour un rendu plus calme que ce qu’on a pu connaître. Ses textes, toujours très techniques, ont des punchlines intéressantes, et reprennent souvent sur deux phases la même structure. Parfois un peu trop freestyle, éparpillé, il touche souvent à des vérités. En témoigne Alpha Wann sur l’interlude de Métropolis, en parlant du public :

« D’abord ils t’aiment, après ils te détestent
Ils te détestent encore plus, après ils t’aiment
Tout ça c’est un cercle infini tant que tu performes »

Au final, cet EP est à l’image de la phase citée en tête d’article. Un peu dans la facilité mais vraiment agréable à l’écoute, il se révèle un pas intéressant en direction de l’album. L’enthousiasme d’une émulation plus grande est dans tout les cas bonne à prendre, et faire évoluer le public de notre vieux rap français ne peut que lui donner un nouvel entrain. Si le buzz autour de L’Entourage a perdu aujourd’hui de la vitesse et que certains de ses membres n’ont pas satisfait les attentes qu’on avait d’eux, les plus entêtés marqueront sûrement le rap français, d’une manière ou d’une autre.

– Loïck

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[Chronique] S-Crew – Seine Zoo

seine-zooLe S-Crew fut crée en 2001, alors que ses membres avaient entre 10 et 11 ans. Un délire, une passion commune pour le rap, trois amis de toujours. Nekfeu, Mékra et Malfra grandissent et évoluent dans le milieu hip-hop, sur fond sonore d’open-mics parisiens. Quelques années plus tard, Nekfeu fera des rencontres au lycée, des kickeurs, ils se regrouperont et créeront la formation POS, devenue 1995. C’est en réunissant son groupe d’enfance, 1995 et la faune des rappeurs alentours que Nekfeu verra apparaître un collectif d’envergure autour de lui: L’entourage. En 2010 déjà, le S-Crew marque sa position centrale dans cette formation en sortant la tape Même signature, où l’on peut connaitre pour la première fois les rappeurs sur le net, dans une ambiance freestyle familiale mettant en évidence de nombreux talents, en témoigne ce son. C’est avec un morceau entrainant et festif que ces rappeurs conquériront la toile l’année suivante: Dans ta Réesoi, entre autres freestyles impressionnants et clashs joliment ficelés, ce clip et son beat accrocheur accorderont une visibilité grandissante au collectif. C’est dans ce contexte que 2-zer, éternel compère de Nekfeu rejoindra le S-Crew pour ajouter sa touche dans une formation tout à fait dans ses couleurs. Plus tard DJ Elite deviendra le DJ officiel du groupe. Après un buzz rapide, deux EP et un album d’1995, une tape du S-Crew en 2012 : Métamorphose et plusieurs projets du collectif, 2013 est l’année de l’album. Voyons donc ce que valent nos quatre kickeurs quand ils quittent le domaine du freestyle et passons à l’écoute.

Que tu sois d’un tiec mal famé, crade/ ou bien qu’tu kiffes le son/ on kicke une ptite leçon/ Nek’, Malfra, Mekra!

On entre dans l’album en rencontrant nos quatre emcees dans la rue, lendemain de soirée, il fait froid, on se raconte les délires nocturnes, on se sent enfermés dans cette ville comme des animaux en cage, comme dans un zoo – le Seine-Zoo. L’univers est posé. Le mode de vie du groupe n’a rien d’extraordinaire, ils aborderont des thèmes pouvant parler à n’importe qui tout au long des 16 titres. Cela passera par des titres joyeux à l’ambiance funk amené par la présence des Super Social Jeez – groupe de « street funk » aux influences diverses. La collaboration pourrait étonner mais le résultat est tout à fait prenant – des titres entrainant pour contraster avec la partie plus sombre de l’album. On retrouvera le S-Crew sur des sujets plus noirs traité avec brio, du story-telling sur Bonheur Suicidé, un feat avec les anciens sur Déçu par la Vie (comme d’une meuf qui enlève son maquillage), avec un beau couplet de Morad. On rencontrera aussi les potes de l’entourage avec un couplet d’Alpha Wann, Eff Gee et Jazzy Bazz (enfin!) ou un refrain de Deen Burbigo. Némir fera une apparition originale en essayant son timbre de voix au chant.

Dans le peu-ra je ferai mon temps sans dépasser la date limite
Les emcees quand je gratte m’imitent et puis s’inspirent de chaque mimique

Techniquement, la formation est au meilleur de sa forme, les mutli-syllabiques sont à l’honneur mais on ne s’y arrête pas. Jeux sur les mots et les sonorités, changements de rythme, on trouve des couplets minutieusement travaillés et des refrains entraînants. Nekfeu nous prouve une fois de plus sa maitrise classe sans être hautaine de la langue, 2-zer fait plaisir aux oreilles dans son délire disjoncté (salut 2-zer, c’est ta conscience…). Mékra et Malfra gardent leur aspect plus street et agressif tout en suivant les thèmes avec des flows intéressants.

S-Crew_SeineZoo

En somme, cet opus est très bien réalisé dans un délire qui est propre au groupe. Une de ses qualités est le sérieux des couplets des rappeurs. Dans des chansons à thème strict, les emcees nous raconte leur expérience sans rien omettre. Son hétérogénéité peut impressionner mais permet d’éviter que les chansons se ressemblent et c’est, au final, tout à fait agréable. On notera aussi une technique de promotion innovante malgré leur indépendance: l’application Iseinezoo pour Iphone qui permet d’obtenir un titre supplémentaire: On reste vrais. Tout nous encourage donc à continuer à guetter ces quatre jeunes emcees pour voir ce qu’il ont encore à nous offrir. En attendant, procurez-vous l’album.

Pour les retardataires : télécharger Même signature ici et Métamorphose ici.

15/20

Par Loïck

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[Chronique] Drake – Nothing Was The Same

NWTS-Standard

Le parallèle entre Drake et Lil Wayne n’aura jamais été aussi justifié qu’après la sortie de Nothing Was The Same, le chef d’œuvre du rappeur canadien, qui s’apparente, malgré leurs différences musicales considérables, au Tha Carter III de Weezy. Deux albums attendus au tournant, après de longues promotions haletantes. Deux manifestes tantôt vénérés par la critique, tantôt décriés, essentiellement pour l’univers singulier de leur auteur respectif. Alors que l’un préféra un éclectisme et une excentricité folle, l’autre privilégia une homogénéité rare, une atmosphère plutôt sombre et mélancolique, très lente et un discours des plus introspectifs, porté par un hybride entre rap et R’n’B.

Accompagné de son ami/producteur Noah ’40’ Shebib, Drake évolue sur un album quasi-parfait musicalement, très homogène, laissant le soin à son compère de chapeauter l’ensemble du projet. Outre quelques discours louant la réussite (le surprenant Tuscan Leather et Started From The Bottom) et un single flirtant avec la pop (Hold On, We’re Going Home), l’ambiance est plutôt sombre, mélancolique par l’omniprésence du piano, mais surtout très lente. Les influences du son d’Houston, déjà entendues dans So Far Gone en 2009, arrivant à leur apogée sur 305 To My City, Own It, et son refrain chopped and screwed, mais surtout sur Connect, excellente ballade transpirant la codéine.

Entre quelques moments de célébration, c’est une introspection plus marquée que sur le festif Take Care, notamment grâce à une réduction importante du nombre d’invités, qui prédomine dans cet opus. Les ennuis relationnels sont récurrents; problématiques lors d’une relation amoureuse compliquée et tumultueuse (Own It, Connect, Wu Tang Forever) mais plus vrais et personnels lorsque Drake mentionne des problèmes familiaux avec son père et sa mère, respectivement sur From Time et le doux Too Much, sublimé par la voix de Sampha. Dans cet univers où le champagne a un goût amer, dans lequel c’est accompagné qu’on se sent le plus seul, Drake livre ses états d’âme et ses ressentis par un hybride entre rap et R’n’B. La limite n’ayant jamais été aussi mince que dans des titres comme 305 To My City ou l’admirable Furthest Thing.

Au vue des critiques très favorables qui pleuvent sur Nothing Was The Same, on peut s’imaginer la destinée de cette oeuvre qui aura probablement le même statut que le Tha Carter III de Lil Wayne dans quelques années. On saluera son atmosphère harmonieuse et son introspection autant qu’on le décriera, pour son mélange entre rap et R’n’B et  pour l’intimité qui domine cet opus; de même que l’on a critiqué l’éclectisme de Tha Carter III qui, pour les autres, en était sa force. Deux albums que l’on qualifiera autant de grands albums que d’arnaques. Réellement, on ne pourra reprocher à ces deux disques, aux univers singuliers, que le seul fait de ne pas réussir à séduire tout le monde.

Par Dimitri

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[Chronique] Big Sean – Hall Of Fame

Troisième sortie G.O.O.D. Music de l’année après Indicud et Yeezus, c’est désormais au tour de Big Sean de recevoir le témoin. Le natif de Michigan avait récemment agrémenté sa maigre discographie par la sortie de Detroit, une mixtape ayant servi d’avant-goût à son deuxième album solo. L’album oui, parlons-en. Tout en sachant que son titre en anglais signifie temple de la renommée ou en d’autres termes : « une pratique nord-américaine qui consiste à honorer des individus ayant réalisé des choses majeures dans leurs domaines respectifs comme dans la musique ». Big Sean, lui, décrit cet album comme étant une apogée de tous les accomplissements réalisés pour en arriver là. Ce second opus nous aidera à savoir où se trouve réellement l’artiste.

Alors que Nothing Is Stopping You nous reçoit gracieusement avec paillettes et champagne sur les marches du panthéon personnel de Big, la cérémonie démarre avec la magnifique production de Fire où le surprenant DJ Camper nous élabore une instrumentale basée sur un chant traditionnel africain. Deux premiers morceaux sympathiques où le rappeur nous exhibe ses perfectionnements au micro. Malgré ce bon début, la suite s’avère être moins réjouissante et festive. En effet, l’album vire à une direction artistique stéréotypée accompagnée de morceaux trop prévisibles et lassants comme Mona Lisa, Toyota ou le très décevant World Ablaze dans lequel on retrouve un duo formé avec James Fauntleroy en manque d’inspiration.

La majeure partie des productions réalisées par No I.D. et Key Wane auraient pourtant pu rehausser le niveau de l’album mais les prestations au micro évitent ce retournement de situation car même lorsque Sean invite Nas et Kid Cudi dans First Chain, qui n’est toutefois pas mauvais, le niveau n’est pas là. Et si le problème ne vient pas au niveau du couplet, c’est le refrain qui anéantit la célébration du jeune intronisé (Sierra Leone/Greedy Ho’s).

Fini le champagne et les paillettes, un Control aurait mieux passé qu’un 10 2 10 afin d’éviter le chant (ou le cri?) incessant de l’emcee tout au long de la piste. Mais lorsque l’on prend ce genre de risques, il faut également avoir de bons morceaux complémentaires en réserve. Alors même si Beware et MILF sont plutôt plaisants, l’ensemble du projet est trop hétérogène, ce qui implique la suspension de l’intronisation de Big Sean au panthéon des meilleurs, pour le moment.

Ma note : 11/20

par Kevin

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Yeezus, entre avant-gardisme de génie et bad-trip futuristique

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Mi-génie, mi-diva, rien, jusqu’ici avec Kanye West, n’a été moyen, commun ou ordinaire. Tout oeuvre de Yeezy fut parfaite ou médiocre, extravagante ou insolite, cette constatation ne s’appliquant pas qu’au monde de la musique. Toutefois, Yeezus, son sixième album solo, se situe dans une zone intermédiaire à ces opposés, balancé entre un avant-gardisme de génie et un bad-trip futuristique médiocre.

Un album détesté par les puristes…

Indigestes à la première écoute, les productions rompent les codes du hip-hop auparavant instaurés; des sonorités punk, dancehall, électroniques voire dubstep parcourent l’ensemble de l’album, excepté sur ce « Bound 2 », héritier de The College Dropout et Late Registration, qui n’a décidément pas sa place sur cet opus. Un son différent mais Yeezus, s’il l’on regarde de plus près, reste une synthèse des particularités présentes dans ses précédents albums, le tout poussé à l’extrême, bien entendu; des sonorités électroniques ont déjà été entendues sur Graduation, l’auto-tune était propre à 808s And Heartbreak alors que ce sixième opus contient toujours cette magie dans le choix des samples de ses deux premiers disques et cette atmosphère grandiose entendue dans My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Preuve en est avec ce « Blood on The Leaves » sublime qui allie la douce voix de Nina Simone à l’ardeur des cuivres tandis que l’auto-tune se confronte à la mélancolie du piano. Un mélange de sonorités créant une atmosphère anxiogène, désabusée et incroyable à la fois. Sur « Hold My Liquor », des bruits électroniques, presque industriels, se mêlent à la guitare électrique pour un résultat hypnotique.

Avec cet album et cette prise de risque, Kanye nous prouve encore son envie d’évolution, chaque album étant différent. Le hip-hop n’a pas à rester dans une case conventionnelle et c’est grâce à des disques du même registre que le rap dépassera les frontières et continuera d’avancer dans l’ère du temps.

Un autre moment fort de l’album est ce « New Slaves » minimaliste, moralisateur et quelque peu contradictoire dans lequel Yeezy transforme la consommation en chaînes d’esclavage. Contradictoire quand on pense à ce Kanye West, designer à temps partiel et friand de luxure et de grands défilés, mais quelque peu justifié car il n’a jamais représenté le pur modèle capitaliste. Preuve en est avec le marketing inattendu, osé et unique qui a entouré la venue de cet album. Aucun single en rotation sur les ondes radios, pas de clips et une tracklist dévoilée quelques jours avant la sortie du disque. Ne pas faire de vraie promotion fut une stratégie marketing réussie, au vue des pronostics de ventes.

…mais encensé par la presse rock et spécialisée

Les critiques dithyrambiques fleurissent. De Rolling Stone, qui accorde une note de 4.5 sur 5 pour cet album, à HipHopDX, en passant par le magasine XXL et Billboard, on croirait entendre le son du futur, imaginé par un Kanye West divin, au sommet de son art. A les entendre, le titre de l’opus n’aurait rien d’une crise d’égocentrisme mais un surnom justifié. Pourtant, ne vous méprenez pas, toute ce que touche M. West n’est pas or, parfait, génial et avant-gardiste. En effet, l’album comporte, malgré tout, son lot d’imperfections: ces « Uh-Huh Honey » répétitifs qui saccadent un « Bound 2 » plat, le featuring d’Agent Sasco qui ruine un « I’m In It » pourtant diablement bon et ces phrases faciles voire pitoyables telles que: « Eating Asian pussy, all I need was sweet and sour sauce« , « We get this bitch shaking like Parkinsons » ou encore « This the greatest shit in the club/Since « In Da Club« , pour ne citer que les plus terribles. La liste des imperfections s’allonge avec le titre introductif « On Sight », trop frénétique, pour finir en apothéose avec ce « Spend It Up » inaudible. Avec une telle prise de risque, les erreurs deviennent presque acceptables mais les louanges demeurent injustifiées.

Au final, Yeezus n’est pas un album de rap mais un disque de Kanye West. Mais, pour la première fois, un album de Kanye West ne fait pas l’unanimité, 808s And Heartbreak ayant principalement reçu des critiques négatives. En ne faisant pas de réelle promotion, il a effectué le meilleur plan marketing de ces dernières années, depuis My Beautiful Dark Twisted Fantasy; tandis qu’en mélangeant les sonorités et en tentant d’allier au rap la musique électronique, il embrasa la critique, entre louanges abusives et cris de stupeur. Au final, on peut donc dire que ce Yeezus est plutôt réussi.

Par Dimitri

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[Rétro] Goodie Mob – Soul Food

Soul+Food+soulfood

7 novembre 1995,

Quatrième arrêt dans notre voyage culinaire à travers les Etats-Unis; nous continuons nos critiques culinaires ce soir à Atlanta, en Géorgie, où est inauguré un nouveau restaurant de la filiale Dungeon Family; Goodie Mob. Pour l’ouverture du restaurant, un seul menu nous est proposé. Intitulé Soul Food, nous espérons qu’il soit de qualité, tel le Southernplayalisticadillacmuzik qui avait été servi à l’ouverture du restaurant OutKast, de la même filiale, 1 an plus tôt, et qu’il nous permette de découvrir ces saveurs du sud qui nous sont tant inconnues.

Menu « Soul Food »

Mise en bouche

Free

Thought Process (feat. Andre 3000)

Entrées

Red Dog (skit)

Dirty South (feat. Big Boi & Cool Breeze)

Cell Therapy

Sesame Street

Guess Who

Plat principal

Serinity Prayer (skit)

Fighting (feat. Joy)

Blood (skit)

Live at the O.M.N.I. 

Goodie Bag

Soul Food (feat. Sleepy Brown)

Desserts

Funeral (skit)

I Didn’t Ask to Come

Rico (skit)

The Coming (feat. Witchdoctor)

Digestifs

Cee-Lo (skit)

The Day After (feat. Roni)

C’est dans une ambiance très soul que nous a été servi ce menu. Les deux mises en bouches furent très bonnes; on pourra tout de même reprocher la trop faible quantité du premier mets dont la composition fut parfaite, mélangeant l’amertume de la complainte à la douceur du gospel. Les entrées et les mets composant le plat principal furent maîtrisés, tantôt simples mais délicieux comme le Dirty South et le Cell Therapy tantôt plus étoffés comme le Sesame Street. Nous avons atteint l’extase des papilles, l’orgasme gustatif en se délectant de l’étrange Goodie Bag et du sucré Soul Food. Les transitions entre les plats ont été calculées et maîtrisées alors que T-Mo, Khujo, Cee-Lo et Big Gipp ont effectué un service de qualité, dégageant une impression de grande expérience du métier.

En outre, les desserts furent également très bons; nous avons remarqué un peu d’acidité empruntée à la cuisine jamaïcaine dans The Coming tandis que le I’Didn’t Ask To Come, sur son lit de cordes, fut consistant mais pas écœurant.

Dirty South, Cell Therapy, Goodie Bag et Soul Food ont été des morceaux de choix de ce menu toutefois très conséquent qui ne nous laisse pas sur notre faim.

Le Dirty South, le mouvement rap du sud des Etats-Unis qui a explosé dans les années 2000 n’a rien à voir avec le premier album de Goodie Mob. Emprunt d’une certaine spiritualité et de quelques morceaux presque « conscients », le tout sur des productions très soulful, il s’oppose aux productions synthétiques, aux discours sexistes, violents et emplis de luxure qui prédomineront dans le rap sudiste. Pourtant, le Dirty South doit son nom et son existence à cet album qui, avec le premier d’OutKast, a principalement participé à son explosion. Influent, très bien rappé et produit d’une main de maître, vous avez là un chef d’oeuvre. 

Par Dimitri

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[Chronique] Anton Serra – Frandjos

Connaissez-vous Anton Serra? Ce vandale de Lyon qui accessoirement fait du rap avec son crew, la toujours plus fameuse Animalerie! Juste une année après le premier album intitulé Sales Gones («sales gosses» en patois), voici Frandjos, second album de ce petit génie de la poésie énervée qui sait faire parler toutes les émotions. Vraisemblablement les Frandjos de l’artiste sont d’abord ses deux grands frangins, et ensuite sa famille au sens le plus large du terme, tous les potos inclus. Voilà pour le titre, l’artiste se décrira lui-même à travers les chansons que je vais présenter une à une, intérêt qu’elles méritent, vu la multiplicité des thèmes qui sont abordés. L’album contient 14 titres, dont 2 remix ( Frandjos et Aimer tue), leurs instrus valent le détour. Attaquons:

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1. Frandjos
Le titre de l’album apparait à la première chanson, on retrouve la nostalgie du rappeur, un regard sur ses frérots, un passage aux éternelles heures de délire avec les potes, puis un premier coup dans les jambes, la perte d’un frère en 94. Trois couplets qui lient Anton Serra à ses Frandjos, dans les liens du sang, avec des potes, parfois avec des pertes. Ce titre, avec ces trois aspects, insiste sur le fait que la famille (encore une fois au sens large) est présente dans tous les moments, du berceau à la tombe. C’est un hommage à ces liens qui nous font délirer quand tout roule et peuvent nous tenir debout quand ça dérape.

2. Aimer Tue
Ce texte magnifiquement composé de divers jeux de mots contient une métaphore filée, comme dirait mon prof de français, sur toute la durée du titre. Les femmes et les clopes, voilà la comparaison qui tient la chanson, à l’image du titre qu’on pourrait voir affiché sur les poitrines dans la rue. Le nombre de jeux de langage, de double-sens utilisé est remarquable, l’auteur veut arrêter mais il n’y parvient pas.
« Aucune chance pour le strike, pas d’Lucky pour faire tomber les quilles»
L’addiction aux femmes comme aux cigarettes le tourmente mais produit aussi des plaisirs considérables… «Aimer tue? j’te pose la question». Magnifique texte, magnifique chanson, une préférence pour l’instru du remix.

3. J’voulais pas (feat Enapoinka)
Suite du J’voulais du premier album qui décrivait ses envies de gamin, voici le même délire à l’inverse. Chanson sympa qui renoue avec l’éternel enfant qui séjourne en chacun de nous (surtout en Anto). Accompagné d’Enapoinka, autre membre de l’Animalerie, il nous livre ce qu’il ne voulait pas en tant que jeune adolescent.

4. Sans Toi
La femme source d’inspiration? Si on la retrouve souvent dans des chansons peu joyeuses dans le rap, Anton l’aborde ici d’une manière différente, pleine de questions. D’une manière si tordue d’ailleurs qu’il m’a fait douter qu’il parlait bien de sa bien-aimée. Très belle chanson, un clip avec Oster Lapwass.

5 Hé Oui (feat Missak)
Hé oui! L’Animalerie pète sa mère! Un texte qui parle de la place de ce groupe dans le rap. Hé oui, ils sont bien moins connus et bien meilleurs, ils s’y font peut-être gentiment mais ne peuvent pas s’empêcher de dire que c’est qu’une question de logique, y’a beaucoup de déchets dans le rap. Missak est un sacré kickeur et apporte du lourd à ce son:
« La vérité ça va pas, comme airmax, pattes d’éph’»

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6.Why Not Groove
Une ambiance particulière, bien festive, chill dans ce titre qui pourtant critique un interlocuteur, un rappeur «bad boy» qui se prend largement la tête, ce qui suit bien la chanson précédente. Ce morceau illustre bien le concept de «groove», l’instru nous emporte.

7. Navigator
«Dans l’océan de mes feuilles volantes, ma petite croisière a jeté l’encre»
La vie n’est pas un long fleuve tranquille, plutôt une mer agitée pour Anton Serra. A nouveau une métaphore qui tient une chanson entière. Je vais laisser le texte parler:
«Ne cesse jamais de ramer, c’est pourtant pas la mer à boire.»

8. Zaïro
« Moi j’rap par le biais du graffiti» nous confie notre artiste dans ce morceau. Le titre vient d’un graffeur décédé le 19 novembre 2011 d’un coup de couteau et ce morceau lui laisse un hommage convaincant, montrant l’amour de l’artiste pour cet art de rue. On retrouve les disciplines du hip-hop toujours liées.

9. Toujours le même thème (feat Enapoinka)
«Nique la police!» rengaine éternel du rap, arrive avec une ambiance film de cow-boy et est scandée une fois de plus avec succès bien qu’ils soient conscients de la répétition. On parle des facultés intellectuelles exceptionnelles des agents.

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10. Not’ Ville (feat Lucio Bukowski)
Lyon, ville de l’Animalerie avec Bukowski deuxième du nom, poète rappeur que j’affectionne particulièrement. La ville est personnifiée tout au long de la chanson, joli duo où les deux rappeurs se renvoient la parole, très belle maitrise, belle réussite.

11. Requiem pour un Cauchemar
Référence, bien sur, au film «Requiem For A Dream» qui aborde, à l’instar de la chanson, les dangers de la drogue. Pas du tout moralisateur, simplement réaliste, les suites cauchemardesques éventuelles de la toxicomanie sont présentées, l’ambiance la plus noire de l’album, pas moins réussie.

12. La Carte de L’ignorance (feat Dico et Nadir)
« La vie est bien plus belle quand elle est romancée
un nanar écrit one-shot qu’on aimerait tant recommencer »
La réflexion, son trop plein, tout ce qu’on aimerait pas savoir, voilà le thème de la chanson, l’absurde, parfois. Un gros retour de Nadir qui fait vraiment plaisir. Des doutes qui reviennent, peut-être ma chanson préférée de l’album.

On arrive à la fin de ma chronique un peu longue de cet excellent album! Je dois avouer qu’à la première écoute, je le croyais inférieur au premier mais plus je l’écoute, plus je le trouve abouti. A vous de juger, bonne écoute!

Voici le lien du site de l’animalerie, là où vous devez vous rendre pour soutenir tout ce beau monde: http://www.osterlapwass.fr/crew/1

16/20

Par Loïc

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