[Top du mois FR] Décembre 2014/Janvier 2015

Beaucoup d’excellentes choses sont sorties depuis notre dernier top mensuel. Entre autres, Lino a livré Requiem, dix ans après Paradis Assassiné, tandis que Joke a sorti gratuitement le très frais Dolorean Music. Aussi, les extraits des prochains albums de Nekfeu, Kaaris, Saké et Dosseh nous promettent une année 2015 palpitante. Récapitulatifs des deux derniers mois, ces quinze excellents titres donnent également un bref aperçu de la scène actuelle, entre vétérans (Booba, Lino) et jeunes frappes (MZ, Bon Gamin, ASF). Bonne écoute!

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1. Nekfeu – Flingue et Feu (Feat. Alpha Wann) [Prod. Hologram Lo’]
2. Lino – Suicide Commercial [Prod. Hopsalaprod]
3. Nekfeu – Time B.O.M.B. [Prod. Hologram Lo’]
4. Kaaris – Magnum [Prod. Therapy]
5. Joke – 2014 à l’infini [Prod. Richie Beats]
6. Lino – Le Flingue à Renaud [Prod. Cori & Hopsalaprod]
7. ASF (Panamabende) – T’en Fais Pas [Prod. Nino (134 Production)]
8. MZ – Bad Boyz
9. Dosseh – Le Coup Du Patron (Feat. Joke & Gradur)
10. Lucio Bukowski – Bon sang d’putain (Feat. Missak) [Prod. Lapwass]
11. Saké – Original MC [Prod. Clem Beat’z]
12. JP Manova – Longueur d’Onde
13. Bon Gamin – Louper (Feat. Joke) [Prod. Myth Syzer)
14. Booba – Caracas
15. Davodka – Poignée de Punchlines [Prod. Aslan Prod]

Par Dimitri. 

Best Of Du Mois Rap FR Top Songs

[Rétrospective 2014] Les EP français de l’année

De plus en plus en rap français, l’EP prend de la place. Ce format court, moins utilisé de l’autre côté de l’Atlantique, a marqué 2014 par son omniprésence. Cette manière courte de produire de la musique est liée avec la façon de l’écouter de nos jours, plus rapide qu’autrefois. Plus compact qu’un album studio, l’EP permet aux artistes, notamment aux jeunes ayant encore tout à prouver, d’exprimer leur talent dans une atmosphère bien construite sans s’essouffler. Plusieurs EP sortis l’année passée nous ont surpris par la qualité de leur composition, dépassant régulièrement les albums en cohérence. Nous vous avons donc concocté une sélection des 10 meilleurs EP sortis cette année, ce qui constituera le plat de résistance de notre rétrospective sur 2014, du côté du rap français. Vous découvrirez que cette année, les projets n’auront pas eu besoin d’être longs pour être excellents.

1. Alpha Wann – Alph Lauren

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Alpha Wann, membre de 1995 et du large collectif L’entourage aura toujours su marquer par ses schémas de rime des plus travaillés. Son premier projet solo, sorti en début d’année, vient confirmer sa démarche toujours plus axée sur le style; le titre le confirme d’ailleurs: Alph Lauren. Alpha a en effet toujours accordé la plus grande importance à sélectionner ses Nikes, son herbe et à les faire rimer d’une manière particulièrement éprouvée, inspirée des Etats-Unis. Sur ce huit titres, Alpha Wann développe des flows toujours plus originaux donnant toujours plus d’intérêt à sa démarche nonchalante. Car, si Alpha apportera l’idée d’être un « type bien » sur l’un des meilleurs titres de l’EP, le développement des idées du rappeur s’arrêtera très vite. Mais c’est volontaire et on ne s’en plaint pas! Alpha fait de l’entertainment en parlant de beuh et de ses références rapologiques mais toujours dans des rimes et un phrasé qu’on sent mille fois retravaillés. Ses punchlines savent amener à merveille une touche d’humour bienvenue. Les beatmakers talentueux que sont Kyo Itachi et Hologram’ Lo, de leur côté, viendront conforter l’ambiance détendue aux couleurs new-yorkaises du projet. Ils en assureront également la cohérence déjà très marquée par le style Philly-Phaal, inimitable dans l’hexagone. On se réjouit sérieusement de la suite des évadées solos du emcee.

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2. Vald – NQNT

Vald - NQNT

L’EP de Vald, attendu depuis une année, vient confirmer tout le bien qu’on pensait de lui. NQNT, projet de 13 titres, nous révèle clairement la particularité de son auteur. Jeune, impertinent, Vald pourrait être dénommé le rappeur 2.0. Usant des codes de notre temps dans des rimes alambiquées, il étonne par sa capacité à allier sérieux et divertissement. A un rythme effréné, il saura parler de choses sales, en triompher par le non-sens, cela en passant du premier au second degré, faire l’inverse, puis recommencer sans s’arrêter. Un rappeur de l’absurde au grand sourire. Cet EP bien plus travaillé que ses précédentes mixtapes marque un cap pour Vald, notamment celui de sa signature en maison de disque. En résulte un projet très propre, laissant à la folie textuelle du jeune rappeur le loisir de s’exprimer et c’est une réussite. Si on pourra faire plus de reproche à la direction musicale, l’ensemble reste des plus intéressants. Un projet important pour 2014. On attend la suite.

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3. Missak – L’adultère est un jeu d’enfant

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Missak, membre du collectif lyonnais L’animalerie a sorti au début 2014 son deuxième EP solo. L’adultère est un jeu d’enfant, comme son titre le laisse penser, expose la vision froide et dure de son auteur sur son environnement social. Ce projet 12 titres, long pour un EP, prend le temps de révéler non seulement la plume particulière du emcee mais également le talent du beatmaker. Missak produit en effet l’entier du projet et, par sa patte aux penchants électroniques – trip-hop, se joint à ses textes pour créer un univers bien cohérent : froid, net et tranchant. Missak, c’est en effet le type aux idées plus que tranchées, au point de vue lucide à tendance cynique sur le monde. Adepte de mode et de boite de nuit, son personnage est celui qui préfère les vrai-faux que les imposteurs. Missak, c’est celui qui affirme que tout ce qui l’intéresse c’est la musique, l’alcool et l’argent, à bas l’amour et la recherche de quelque chose de pur dans un monde aussi sale. L’adultère est un jeu d’enfant est un pas décisif dans l’univers de l’artiste. Il montre en 2014 que Missak a encore beaucoup à dire et qu’il est bien déterminé à faire son bonhomme de chemin.

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4. Gros Mo – Fils de Pute

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Fils de pute, quel meilleur titre pour le premier projet solo du bien nommé Gros Mo ? Le backeur attitré de Némir nous révèle par ce titre l’absence de compromis dans sa démarche et, par la suite, la qualité de sa production. Ce EP 7 titres venant tout droit de Perpignan est une très bonne carte de visite pour l’univers du rappeur. Rookie des projets mais pas des scènes, Gros Mo montrera bien dans la musicalité de ses titres qu’il maitrise le live et qu’il a su profiter de l’influence de son mentor, le très apprécié Némir. Cette facette mélodique et léchée de la musique de Gros Mo se rapproche clairement de Némir; un gimmick bien senti, un refrain entraînant pourra nous transporter. Pourtant, Gros Mo aura clairement su se démarquer du petit rappeur énergique de Perpignan. Ses titres seront très cash, sans concession, avec tout l’art du rentre-dedans qu’on peut espérer. Ces éléments feront de Fils de pute une sérieuse réussite de cette année, donnant au talent perpignanais l’occasion de s’exprimer autrement, mais avec tout autant de réussite.

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5. Caballero – Pont de la Reine

Caballero - Le Pont De La Reine

Certains rappeurs ont une évolution rectiligne, allant toujours dans la même direction, tandis que la production musicale d’autres se construit d’échappées dans des univers différents. Caballero se situe dans la deuxième catégorie. Après divers projets en collaboration, des apparitions variées et une compilation de solos, arrive en décembre 2014 son deuxième EP : Le Pont de la Reine. Ce très bon projet est toutefois également signé par JeanJass et Le Seize à la production, deux beatmakers belges de talent qui donneront une vraie couleur d’ensemble au projet. Cet EP est placé sous le signe de la détermination et de la franchise. En effet, Caballero y affirme sa volonté de persévérer dans le rap, de se faire payer pour son travail, et par là-même de s’émanciper de sa posture de rappeur conscient (rappeur sans salaire). Il parle donc cash et l’egotrip aura un rôle important à jouer dans ce projet comme sur l’excellent Mérité sorti cette été. Des chansons à thèmes seront également traitées avec brio, la formule directe de Caba fonctionne. Cette échappée dans la carrière du chevalier sent définitivement bon et on croit en le futur pour lui.


6. Deen Burbigo – Fin d’après-minuit

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Fin d’après-minuit est la deuxième sortie de L’entourage de notre classement. Deen Burbigo y revient en force dans une ambiance quelque peu différente de son précédent projet : Inception. Toujours avec sa voix grave et son flow puissant, Deen pose cette fois-ci sur des productions plus lentes et plus chaudes aux sonorités souls. L’artiste y parle de son lifestyle festif, de chill, mais aussi de questions existentielles. Ce projet est très bien porté par son ambiance ensoleillée, calme, que le emcee de Toulon sait maîtriser. Son énergie et son charisme saura aussi faire bouger sur ce projet notamment sur L’oseille à la bouche. Fin d’après-minuit est un projet qui ne casse aucune norme mais qui demeure très agréable à l’écoute.

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7. JeanJass – Goldman

JeanJass est ce rappeur belge du groupe Exodarap, officiant depuis plus de 10 ans dans l’underground du plat pays. Après deux projets en groupe et beaucoup d’expérience du milieu rap, JeanJass s’est lancé dans ce premier EP solo, sobrement et ironiquement intitulé Goldman. Le projet est une plongée dans l’univers particulier du rappeur : aérien, nonchalant et décalé. L’EP fait office de carte de visite au rappeur présentant ce qu’il sait faire de mieux en terme de rap et d’instrumentale. Car, en effet, si la cohérence du projet est si bonne, c’est que les productions sont assurées majoritairement par son auteur. Celles-ci, planantes pour la plupart, soutiennent à merveille un flow traînant qui finit par s’imposer. Que ce soit dans de l’egotrip-storytelling déliré ou sur des thèmes plus sérieux, les lignes de JeanJass sont toujours originales et toujours plaisantes. Un projet abouti.


8. Georgio – A l’Abri

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2014 est certainement l’année qui a permis à Georgio de se faire une place décisive dans le paysage rap français. Après un projet gratuit, Nouveau Souffle, sorti en collaboration avec les internautes (on pouvait voter pour quelle instrumentale serait kickée), le jeune rappeur parisien a enchaîné sur un EP payant cette fois, A l’Abri. 2ème disque à sortir dans les bacs après Soleil d’Hiver mais cette fois Georgio ne s’est pas associé à un beatmaker et débarque en total solo. Le résultat est au niveau que l’on attendait de lui. Son écriture est toujours autant franche, assez noire bien qu’on entrevoit quelques éclaircies, comme sur J’respire (titre bonus) ou sur Blackjack qu’on sent écrit pour les concerts. Le côté mélancolique auquel Georgio nous avait habitué se retrouve sur beaucoup de titres donc les magnifiques Rope A Dope ou Enigme. Le rappeur du XVIIIème nous décrit sa vie dans ce département parisien qu’il aime tant malgré les sombres choses auxquelles il a été confronté.  Il tente et réussi magnifiquement l’expérience du storytelling sur Le Gardien. Un très bon EP qui confirme Georgio en tant que très prometteur rappeur français. 2015 marquera la sortie de son premier album, Bleu-noir, qu’on espère au niveau de nos espoirs.


9. Davodka – L’Art Tisant

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Révélé en 2013 avec Un Poing C’est Tout, Davodka s’est rappelé à notre bon souvenir cette année avec son EP L’Art Tisant. Le emcee du XVIIème reste dans son registre underground tout au long de ces 7 titres. Il dépeint son quotidien parisien, marqué par la tise et la weed. Il impressionne toujours autant par son flow, rapide et efficace, qu’il démontre particulièrement sur Dernière Sommation. Dans le style Boom-bap, on retrouve également le côté mélancolique des instrumentales (de MSB ou de lui-même) et de ses textes notamment sur le magnifique Ma Dimension. Un preuve de plus, s’il en fallait une, que Davodka est un excellent rappeur et lyriciste. On attend impatiemment un album après ce magnifique EP.


10. Espiiem – Cercle Privé

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La seule apparition d’Espiiem cette année fut discrète comme lui – volontairement. En effet, ce projet portant bien son nom ne fut disponible légalement que pour les 500 premières personnes à l’acheter, nombre qui fut vite atteint. Mais nous avons pu l’obtenir et force est de constater que celui que l’on surnomme le Noble est toujours en forme en 2014. Dans Cercle Privé, Espiiem continue sa démarche de rap sobre mais très travaillé. Sa posture digne et franche constitue le leitmotiv de ses lignes. Entre titres très calmes et d’autres qui s’enflamment légérement, les productions sont toujours très propres et accompagnent et complètent à merveille le flow du Noble. Un projet dans la lignée d’Haute Voltige qui constitue une brique de plus dans l’univers sans aucun doute très intéressant du rappeur parisien, malheureusement plus disponible en téléchargement légal.

Lire notre interview


Mais aussi:

Bavoog Avers – Panacotta

La Smala – Un murmure dans le vent

Veerus – Minuit

Lomepal – Seigneur

Par Bastien et Loïck

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[Rétrospective 2014] Les meilleurs titres français

Pour commencer cette rétrospective sur l’année 2014, nous vous avons concocté une sélection hautement subjective de quinze excellents titres sortis en rap français dans l’année. Laissant de côté l’idée de faire un top morceaux, nous avons pensé cette sélection comme une simple playlist en survol de cette année. Ainsi, au fil des titres de Lino, Vald, Missak, Kaaris ou Swift Guad, vous découvrirez les artistes qui nous ont intéressés en 2014. En attendant nos autres sélections mieux construites et justifiées, vous pouvez apprécier tranquillement ces quinze titres qui, pour nous, ont marqués l’année.

Kaaris – Intro (Prod. Therapy)

Lino – VLB feat. T-Killa

Vald – Par Toutatis (Prod. Black and Brown)

Joke – New Jack City (Prod. Richie Beats)

L’entourage – Caramelo (Prod. Mitch Buckannon)

Missak – Pitbull Freestyle (Remix Pound Cake – Drake feat Jay-Z. Prod. Boi-1da, Matthew Burnett, and Jordan Evans)

Caballero – Mérité (Prod. JeanJass)

Gros Mo – Fais-le (Prod. Everydayz)

Vald – Vie de cochon (Prod. BBP)

Lino – 12ème Lettre (Prod. Imani)

Georgio – A l’abri (Prod. Hugz Production)

Tragik – Générations 88 clos (Prod. Mani Deïz)

Swift Guad – L.A.C.U.N.E. (Prod. H 1987)

JeanJass – Mes Jambes (Prod. Eskondo)

Missak – Mes efforts (Prod. Missak)

Par Loïck

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[Interview] Nakk

Nous avons rencontré Nakk à l’occasion de la soirée One Shot le 27 septembre passé au Ned de Montreux. S’en suivit une très belle soirée avec d’énormes lives jusqu’à 3 heures du matin. Avec des premiers succès à la fin des années 90, Nakk est un emcee qui a su durer. Il nous montre encore tout son talent sur Supernova, son dernier EP sorti en 2013. Cette rencontre fût l’occasion de parler de beaucoup de choses avec la petite légende du rap français qu’est Nakk Mendosa. Nous avons discuté avec lui des caractéristiques de son style, de son futur encore prometteur, mais aussi des grandes oppositions du rap français, ou encore de l’ère internet et de ses impacts. Au final, nous avons passé un très bon moment avec un Nakk décomplexé. Son prochain album devrait sortir en 2015, pour en savoir plus et connaître un peu mieux ce rappeur talentueux, lisez la suite.nakk-3

Hip Hop State Of Mind : On aimerait parler un peu de ton style, le style assez typé dans lequel tu écris et tu rappes. On va essayer de revenir sur tes débuts dans le rap pour en parler. Il y a une approche qu’on pourrait qualifier de sympathique dans tes textes, tu es ouvert dans tes thèmes, tu peux aborder des sujets assez street mais sur un ton frais et drôle parfois. Est-ce qu’il y a une volonté là-dedans de te démarquer d’un style trop hardcore ?

Nakk : Non, non c’est pas volontaire, c’est naturel en vrai. Je suis moi-même. Je pense qu’il y a beaucoup de rappeurs qui font ce qui fait bien, mais moi pas. Si tu trouves que c’est typé c’est parce que c’est moi, je fais des trucs qui me ressemblent, c’est pas dans le but d’être dans un délire précis.

HHSOM : Tu es arrivé aussi dans une époque où les thèmes street dominaient beaucoup…

Nakk : Oui, ça plaira toujours… mais il y a de la place pour tout le monde dans le rap. Si tu arrives avec ton truc et les gens sentent que c’est vrai et que ça leur parle, ça peut marcher.

Tu vois, un morceau comme Chanson Triste c’est pas un morceau super technique…

HHSOM : L’autre aspect de ton style qui a beaucoup marqué, c’est ce côté très technique. Tu utilisais, à l’époque en tout cas, vraiment beaucoup de multi-syllabiques, de jeux sur les sonorités, de jeux de mots. A l’époque, comment tu concevais un texte par exemple de l’acabit de Sans, issu de Street minimum ?

Nakk : C’est vrai qu’à l’époque j’étais vraiment très axé technique mais à un moment tu comprends que pour que ton propos soit plus percutant, il faut un peu mettre de côté l’aspect technique. La technique c’est aussi un truc entre rappeurs pour s’impressionner. Mais tu vois par exemple un morceau comme Chanson Triste c’est pas un morceau super technique…

HHSOM : Ouais,… encore que… (Rires)

Nakk : Ouais, pour moi en tout cas (Rires). Ce que je veux dire, c’est que c’est pas de la technique à outrance, Sans c’est un morceau où la technique est présente à outrance. Je voulais me prouver que j’arrivais à faire ça. Mais en vieillissant, tu fais de plus en plus de titres où tu privilégies le fond. Tout en soignant la forme, je ferais jamais un truc basique ! Mais ce qui m’intéresse maintenant c’est que le propos soit pertinent, qu’il y ait de belles formules, etc…

HHSOM : Chanson triste, ta chanson, on peut le dire, la plus connue, n’est effectivement pas seulement technique.

Nakk : Oui et c’est un peu depuis ce titre que je me suis rendu compte que des fois dire les choses simplement faisait mieux passer le message et touchait mieux les gens. Parfois pour faire passer l’émotion, il faut laisser de côté la technique.

HHSOM : Est-ce qu’il y a des figures précises qui ont contribué à forger ton amour pour la technique ?

Nakk : Oui, il y a Akhenaton, Dany Dan, Oxmo, MC Solaar, Ill aussi. Quand j’ai vu les jeux de mots que MC Solaar était capable de faire ça m’a grave choqué à l’époque. Un noir de cité comme ça qui fait des jeux de mots comme les poètes !

HHSOM : Et en dehors du rap, des autres choses t’inspirent ?

Nakk : Je lis vraiment pas de livres en fait, j’ai de la peine, mais d’autres choses, c’est sûr. Je suis beaucoup influencé par des séries ou des films. The Wire ou The Shield, par exemple, pour les séries.

Les choses que j’ai traversées font que je ne rappe plus de la même manière, il y a eu des naissances, des décès…

HHSOM : Toujours par rapport à ton style, est-ce que tu sens ton influence chez certains rappeurs plus jeunes aujourd’hui ?

Nakk : Des gens me disent « ouais lui ça se voit qu’il t’a suriné ! » mais moi j’arrive pas à voir ce genre de choses. Je peux le voir pour les autres, aussi, mais pas pour mon style. Parfois, je peux me dire « ah tiens ce jeu de mot, je l’aurais bien trouvé moi », ça veut dire qu’on a un style similaire, j’ai peut-être influencé le mec. Après c’est un grand relais, ceux que j’influence, ils vont en influencer d’autres et ainsi de suite. Je prends pas ça mal en tout cas, c’est plus un compliment.

HHSOM : Par rapport à cette nouvelle génération justement, quel regard tu portes sur eux ? On peut penser à Missak qui te backait ou Dinos Punchlinovic qui a fait un titre sur Darksun

Nakk : Ouais sur la nouvelle scène, il y a plein de bons jeunes rappeurs. Mais comme pour Missak ou Dinos, c’est dur de juger comme ça. Il faut qu’il trouve leur voie, leur univers… On ne juge pas un rappeur sur un titre ou sur un featuring, il faut plusieurs projets pour voir si le mec tient vraiment la route.

HHSOM : Ton style a bien évolué depuis l’époque, au niveau technique, mais aussi au niveau des thèmes. On peut citer une phrase du morceau Invincible de Le Monde est mon Pays : « c’est Nakk, 30 ans, lyrics de daron comme Chill » donc Chill c’est Akhenaton, est-ce que, avec l’âge tu as l’idée de devoir passer un message plus positif dans ta musique ?

Nakk : Oui, bien sûr, mais sans non plus faire la morale aux gens. En vrai, même à 30, 35, 40 ans, tu fais du rap, ça reste dans un esprit jeune. On se met devant sa feuille, on fait des multi-syllabiques et on est content, ça reste toujours un peu gamin d’un côté. Mais oui les choses que j’ai traversées font que je ne rappe plus de la même manière, il y a eu des naissances, des décès…

HHSOM : Et tu penses que certains rappeurs devraient plus assumer leur âge ?

Nakk : Oui, c’est vrai ! Certains vieillissent et tiennent toujours des propos de jeunes de 20 ans. Personnellement, j’aime que mes textes reflètent mon âge quoi… D’un côté, on est des gamins mais de l’autre il faut assumer un peu.

HHSOM : C’est vrai que l’esprit Hip Hop reste un esprit jeune, il y a une association forte…

Nakk : Ouais c’est vrai ! Mais je pense que tant que tu restes cohérent dans ta manière de faire, tu peux rapper frère ! Tu déranges personne !

Je veux vraiment prendre le temps pour sortir le prochain projet dans de bonnes conditions. Il y a de grandes chances que ça soit un album qui sortirait courant 2015.

HHSOM : C’est vrai que tu fais un rap assez posé, calme, qui est assez accessible au niveau du public, contrairement à d’autres styles plus brut, plus sale. Comment tu expliquerais que c’est plus ce rap brut qui marche ?

Nakk : Ouais, mais tu vois les gens préfèrent les films d’action que les films d’auteurs. On est toujours attiré par le truc virulent, moi aussi. Sur Paris, les gens aiment bien les rappeurs avec une image puissante un peu caillera, qu’un rappeur posé et conscient, je peux comprendre.

HHSOM : C’est la force du rap aussi, il y a un rap pour tout…

Nakk : C’est clair ! Mais c’est une question de goût après, il y a des gens comme Orelsan et Youssoupha qui ont un rap très posé et qui trouvent leur public.

HHSOM : Pour changer un peu de sujet, ton dernier projet en date, c’est Supernova, quels retours as-tu eu sur ce projet?

Nakk : Tout mes projets m’ont apporté beaucoup. Darksun m’a un peu fait revenir, Supernova ça a encore enfoncé le clou, j’aurais pu enchaîner mais j’ai calmé un peu par manque de motivation. Dans les faits, ce projet m’a apporté des concerts, des feats,… Mais les retombées, si c’est pas maintenant, on les a plus tard, les gens retrouvent tes projets plus tard parfois. Les morceaux voyagent.

HHSOM : Et pour la suite, qu’est-ce que tu nous prépares comme projet ?

Nakk : Pour l’instant j’ai 10 titres de prêts. J’ai l’instru et le texte, ils sortiront sûrement sous la forme d’un album. Je veux vraiment prendre le temps pour sortir le prochain projet dans de bonnes conditions. Il y a de grandes chances que ça soit un album qui sortirait courant 2015. Après je suis à un moment de ma carrière où je sais quand je fais un bon titre. Et là, je sais que ça vient bien.

Je vais sortir plein de projets, c’est loin d’être la fin! Je suis très motivé, bizarrement…

HHSOM : Et par rapport à Supernova qui est un EP, tu vas concevoir cet album différemment ?

Nakk : Ouais, il y a des différences mais il faut pas se prendre la tête, genre, « là c’est l’album, je sors mon béret et mes lunettes, je suis un lyriciste » (Rires). Il faut garder une spontanéité même si, oui, les thèmes seront plus poussés. Il faut pas trop se mettre de pression.

HHSOM : Et par rapport aux productions, tu sais un peu avec qui tu vas travailler pour la suite, des gens avec qui tu as déjà collaboré ou de nouvelles têtes ?

Nakk : Il y aura Twister, qui était déjà sur Darksun et Supernova, Therapy qui m’a déjà fait plusieurs prods. La suite sera très mélodique dans les prods, assez spatiale aussi.

HHSOM : On a pu lire que tu connaissais bien Therapy. Comment tu vois son succès avec Kaaris ?

Nakk : Ouais, on était ensemble au collège! Leur musique est diamétralement opposée à ce que je fais mais en fait, c’est de la musique, j’ai rien contre eux. Je suis sûr qu’il y a des gens qui écoutent Kaaris et Nakk.

HHSOM : Oui, nous dans l’équipe, par exemple (Rires).

Nakk : (Rires) Bah voilà, j’en ai devant moi. Après tu vois sur Paris, les gens sont assez à dire qu’ils n’aiment que les rappeurs conscients ou l’inverse, mais personnellement je peux écouter un Youssoupha, un Flynt mais aussi un Kaaris ou un Gradur même. C’est que de la musique frère !

HHSOM : C’est intéressant que tu dises ça en tant que rappeur parce que vrai qu’il y a une certaine guerre entre rap conscient et rap street, plus hardcore, mais parfois on a l’impression que cette guerre se situe plus au niveau des publics que des rappeurs.

Nakk : Exactement ! Moi, demain, je peux faire un morceau avec Kaaris, on pourrait faire un très bon morceau si ça se trouve ! Aux States, il y a plus cet état d’esprit, par exemple, Kanye West se mélange avec Young Jeezy alors qu’il a une image beaucoup moins dure que lui. Et le mélange donne des supers morceaux. En France, on est très focalisé sur l’image tandis que là-bas c’est du divertissement. C’est ça et l’amour de l’argent aussi…

Avec Internet, les possibilités sont énormes. Là, si je veux, on est samedi, je fais un morceau aujourd’hui, demain je vais en studio, lundi je le mixe, mardi je le clippe et mercredi il est sur la toile!

HHSOM: On voulait aborder la question de l’arrivée d’Internet pour les rappeurs, principalement ceux qui n’ont pas une visibilité énorme. Est-ce que, selon toi qui a vécu les deux ères, ça change beaucoup le rapport à la musique, au public?

Nakk: Ouais c’est clair! Tu peux tellement communiquer avec Internet. Les possibilités sont énormes. Là, si je veux, on est samedi, je fais un morceau aujourd’hui, demain je vais en studio, lundi je le mixe, mardi je le clippe et mercredi il est sur la toile! C’est fou. En 2000, ou avant, c’était complètement impossible de faire ça. Quand tu clippais un morceau, t’avais écrit le texte depuis 6 mois au moins! Il y a beaucoup d’inconvénients à Internet mais ça diffuse très facilement la musique, c’est un très bon côté.

HHSOM: Et tu penses que ça peut aider les artistes un peu underground à se faire connaître sans avoir besoin des médias ou d’autres intermédiaires?

Nakk: Ecoute, là si tu sors un clip, j’exagère, mais si ton clip fait 30 millions de vues, tu vas attirer des majors, pas de doute. Si t’as une page Facebook à 200’000 fans, tu peux signer grâce à ça. Maintenant, tu signes parce que tu fais déjà du bruit tout seul, avant il te signait juste parce qu’ils avaient un coup de coeur… Non, Internet donne des possibilités de fou! Mais il y a des gens qui abusent de ça aussi, qui te sortent des clips de la manière de laquelle je t’ai expliqué avant, toutes les semaines. Avant, si tu faisais un clip t’étais déjà validé. Regardes, tu rappes toi?

HHSOM: Euh non, moi je rappe pas.

Nakk: Bah, si tu veux demain, tu te mets à rapper et tu peux te faire ton clip! Ça y est, t’es un rappeur! (Rires)

HHSOM: (Rires) Ok, pour nous, on arrive à la fin, tu as un dernier mot?

Nakk: Alors pour la suite, l’album arrive! Il y aura sûrement des surprises par rapport aux feats. Tout va s’enchaîner. Je vais sortir plein de projets, c’est loin d’être la fin! Je suis très motivé, bizarrement…

HHSOM: On attend ça!

Nakk: Ça fait plaisir, tous les soutiens font plaisir. On coûte pas cher, de toute façon, dès que quelqu’un nous dit qu’on rappe bien ou quoi, on est content! On est jamais blasé de ce genre de choses!

HHSOM: Merci pour ton temps et bonne continuation!

Propos recueillis par Dimitri et Loïck

Un grand merci au Ned pour le contact!

Interviews Rap FR

[Top Of The Month FR] Mai 2014

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Avec un peu de retard, le top français du mois de mai est arrivé, un mois notamment marqué par le retour de Dany Dan et Ol’Kainry pour un cocktail détonnant et la sortie du premier album de Joke. Missak, nous prouve une fois de plus son génie avec un freestyle sur la prod de Pound Cake de Drake. Enfin Fayçal s’est rappelé à notre bon souvenir après son magnifique album de 2013, avec un remix d’un morceau de Kavinsky. Un top de haut niveau donc, pour notre plus grand plaisir.

Bonne écoute!

 

1) Missak – Pitbull

2) Ol’Kainry & Dany Dan – Classic Shit (feat Busta Flex & Lino)

3) Fayçal – L’appel de la nuit

4) Veerus – Les étoiles

5) Joke – On est sur les nerfs

6) Espiiem – Tout de Noir Vêtu

7) L’Hexaler & LaCraps – The Cassette Sunday

8) Fixpen Singe – Deadline

9) Tragik – Générations 88 clos

10) Paco – Paname

 

Quelques articles en lien:

[Interview] Missak – L’adultère est un jeu d’enfant

[Chronique] Fayçal – L’or du Commun

[Chronique] Joke – Ateyaba

[Interview] Espiiem

Bastien

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[Interview] Missak – L’adultère est un jeu d’enfant

Après une longue attente, Le deuxième EP de Missak sortait le 17 février dernier avec pour titre L’adultère est un Jeu d’enfant. Six ans après Perkizition mentale, son premier projet, le emcee de L’animalerie revient très fort. EP de 12 titres, ce projet n’a pas que cela d’original, en effet, proposant une vraie profondeur musicale, il met en avant le talent et la diversité des influences du emcee, aussi auteur de toutes les prods. Premier projet de L’animalerie à être distribué sur les plateformes officielles, il marque aussi un pas en avant du collectif. En plus des productions très travaillées, nous retrouvons la puissance des textes du emcee. Retour sur une galette accrocheuse par quelques questions à ce rappeur-producteur de talent.missak.qualité

Hip Hop State Of Mind: Pour commencer, comment décrirais-tu l’évolution de ton style, de ta musique depuis ton dernier EP en 2008: Perkizition Mentale  ?

Missak: J’ai plus d’expérience, donc le reste vient naturellement. Musicalement, niveau instru par exemple, j’ai plus de facilité à aller là où bon me semble, techniquement parlant. Perkizition Mentale c’était un EP assez abstrait niveau lyrics, j’ai compris avec le temps que mes textes pouvaient vraiment apporter quelque chose aux gens qui me ressemblent. Du coup, j’ai appris à être plus clair dans mes propos.

HHSOM: Sur la pochette du projet, on voit un enfant avec une bouteille d’alcool, de gros billets et des cigarettes. Le titre marque aussi le rapport entre enfant et adulte, il y a une sorte de nostalgie là-dedans ? Tu peux nous en dire un peu plus sur le titre et la cover?

Missak: Aucune nostalgie non, je regrette pas de plus chier dans mes couches ni d’être pris pour un ignorant par mes ainés. Je voulais souligner le fait qu’être adulte, c’est être un enfant avec d’autres jouets, que la seule chose qui sépare vraiment un gamin d’un adulte, c’est son champ d’action, à cause du manque de connaissances et des restrictions logiques liées à l’âge. Le petit sur la cover, c’est mon neveu. Il jouait avec les billets pendant le shooting. Il avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait représenter, c’était intéressant…

« Quand j’écris, je me dis que c’est le moment de leur pisser dessus et de leur donner de quoi s’abriter de la pisse de tout le monde en même temps. »

HHSOM: Dans tes textes, tu parle de situations sociales assez tristes, parfois hards, par des images puissantes comme « Je vois que le con qui contrôle mon ticket de bus est calibré ». D’où te viens cette inspiration ?

Missak: La rue, le quotidien, les endroits où il y a les gens. C’est les gens qui ont créé mes frustrations et mon dégout pour nos défauts. Je crois qu’en fait je veux les protéger d’eux-mêmes, de moi y compris. Quand j’écris, je me dis que c’est le moment ou jamais de leur pisser dessus et de leur donner de quoi s’abriter de la pisse de tout le monde en même temps.

HHSOM: On sent dans tes textes de la modestie mais en même temps une manière d’envoyer bien chier tout le monde. Comment conjugues-tu ces deux manières d’être ?

Missak: Je me place jamais au dessus des autres, ils s’en sortent très bien tout seuls pour rejoindre le sol. C’est pas vraiment de la modestie, c’est juste que les situations que je souligne dans mes textes, elles peuvent très bien m’inclure dedans. Disons que je ne punis pas l’ignorance, je punis fortement l’indifférence par contre. Donc ouais, je me permets d’envoyer chier la catégorie de gens qui font semblant de rien voir par choix, par peur d’être mouillé dans le truc.

HHSOM: Dans « Tout ce qui m’intéresse », tu nous expliques en avoir rien à foutre de tout sauf de faire du cash, pillav de la Grey Goose et faire de la musique. Tu n’as pas peur qu’on interprète ces choses comme étant superficielles?

Missak: Je dis aussi que je veux mettre bien les darons, qu’il faut que je me mette en place… Si s’amuser, s’épanouir, obtenir le confort pour soi et pour les siens c’est superficiel, c’est quoi les vraies valeurs? Travailler ? Travailler, c’est pour faire du cash… S’aimer ? S’aimer, c’est une façon confortable d’être moins seul, c’est un placard pour ranger le sentiment d’abandon face aux amitiés qui tournent mal, etc. Je veux créer, sourire et offrir. Il n’y a rien de moins superficiel.

« Enfant, je l’étais mais je sens que je me détériore
Entend ce que j’en pense moi les gens ensemble me paraissent ignobles »

HHSOM: Tu produis entièrement l’EP et les prods sont vraiment plaisantes et originales, tu leur laisses beaucoup de place. Il y a une magnifique piste instrumentale, une chanson où elle varie et tu ne rappes qu’au refrain et de longs passages où l’instru tourne sans texte. C’est une volonté de laisser une place prépondérante à la mélodie ?

Missak: La mélodie c’est une langue, c’est un texte dans un langage universel. Quand je compose je ne sample jamais, donc tout est issu de moi. Au final, je m’exprime aussi comme ça.

HHSOM: D’où vient ton inspiration musicale ? Il y a des figures qui t’ont marquées ?

Missak: J’ai été marqué par certains artistes qui m’ont rassuré en ne fixant pas ou peu de limites dans leur musique: The Weeknd, Drake, Ty$, A$AP Ferg, Kid Ink pour les plus récents, Petey Pablo, Ludacris, Twista, par exemple pour les plus anciens. A côté de ça, j’ai toujours été touché en écoutant Bjork ou Archive.. Je pense que je suis entre la musique trip hop, le rap, la trap et le r’n’b.

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HHSOM: Quand pas mal de gens revenait à des sons Boom Baps des années 90, ces dernières années, toi tu restais fixé sur des sonorités assez électroniques et récentes, d’où te vient cet amour des sons actuels ?

Missak: C’est pas un choix, c’est juste ce qui émane de moi, je préfère rester fidèle à ce que je ressens en terme de création. Si c’est leur kiffe, qu’ils le fassent, mais mon gros doigt me dit que certains se forcent à faire ce que les jeunes putes leur demandent…

HHSOM: Tes productions oscillent entre quelque chose proche de la trap dans des instrus bien remplies et d’autres plus minimaliste se rapprochant du trip hop, est-ce que tu trouve que tu as une patte bien à toi? Si oui, comment la décrirais-tu ?

Missak: Du coup, j’ai répondu à cette question plus haut mais je vais développer avec cette phrase : suis-moi sur Instagram.

HHSOM: Tu as la volonté de casser des codes et d’aller plus loin dans les instrumentales Hip Hop, par exemple en la faisant varier comme sur Ma bite et ma voix ? Ou en « utilisant ta voix comme un instrument », pour reprendre tes mots avec de l’autotune bien dosée?

Missak: C’est pas vraiment une volonté, c’est juste que quand je sens qu’un truc sonnera d’une façon, je fais tout pour y arriver. C’est pas calculé. Si demain je me sens de faire de la polka je le ferai sans me demander si je vais impressionner le mouvement Hip Hop…

« Si j’ouvre une voie c’est cool, mais faut pas oublier que si les gens acceptent mon style de rap, c’est parce que d’autres mecs ont déjà ouvert la voie pour les gars comme moi. »

HHSOM: Dans l’imagerie du rap français, je dirais que tu te situe dans un entre-deux : tu n’as jamais lâché les sonorités récentes, en ajoutant de l’autotune, tu parles de clubs, il y a des grosses voitures dans tes clips, ce qui t’apparente à un style presque gangsta dont Booba est un grand représentant. Mais de l’autre côté, tu fais partie de L’animalerie, crew pas street du tout, tes punchlines donnent à réfléchir, tu es modeste dans tes textes et tu ne fais pas d’egotrip, des choses  qui appartiennent à un autre style de rap français. Es-tu d’accord avec cette idée d’entre-deux pôles du rap français ? Comment vis-tu dans cet entre-deux ?

Missak: Ouais, je suis d’accord, c’est bien résumé, à part que je trouve aucun point commun entre Booba et moi, si ce n’est l’ambition. On a pas la même vie donc on parle pas des mêmes trucs…
Et par rapport à « l’entre-deux » moi je le vis bien, c’est mon public qui a du mal à me suivre dans tout ça, du coup j’ai vraiment deux sortes de publics totalement à l’opposé l’un de l’autre.

HHSOM: Il y a une dimension provocatrice dans ton rap, liée à la question précédente, tu casses certains codes en ne rentrant pas dans une case, aussi dans le fait que tu parle des drogues durs sans démagogie mais sans en faire l’éloge non plus. Est-ce que tu as une volonté de casser les codes pour ouvrir la voie à d’autres styles de rap plus ouvert ?

Missak: La provocation fait partie de moi, donc ça se ressent dans mes textes, mais j’essaye d’être toujours cohérent dans ma provoc, je fais pas dans la politique ni rien. Je milite pour mon bonheur et celui des gens biens, mon pote. Donc je suis un peu obligé de fermer des bouches en parlant de choses concrètes, même si ça doit se révéler immoral parfois. J’ai la recette de mon bonheur, c’est pas volontaire de casser des codes… Si j’ouvre une voie c’est cool, mais faut pas oublier que si les gens acceptent mon style de rap, c’est parce que d’autres mecs ont déjà ouvert la voie pour les gars comme moi.

HHSOM: Pour terminer, comment se présente ton album futur « L’ego est un Je d’adulte » ?

Missak: Il est 6h21 du mat, je viens de faire une prod qui tourne pendant que j’écris tout ça. Je taffe 24h/24, mon prochain projet est bien entamé, j’en sais pas plus, j’espère juste que l’EP que je viens de sortir me permettra d’aller où je veux pour faire un gros truc.

HHSOM: Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à ces questions!

Propos recueillis par Loïck

Pour se procurer l’EP et suivre Missak:

http://musique.fnac.com/a6671942/Missak-L-adultere-est-un-jeu-d-enfant-CD-album

https://itunes.apple.com/fr/album/ladultere-est-un-jeu-denfant/id788705671

https://www.facebook.com/missak.missak

https://twitter.com/MissakLNMLR

http://instagram.com/missak_lnmlr#

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[Top Of The Month FR] Juin 2013

l'animalerie top

Malgré un mois de juin rythmé par les examens finaux, nous avons tout de même pris le temps de vaquer à notre passion qu’est le hip hop et nous sortons, comme chaque mois, un échantillon des bons sons du mois. Marqué par la sortie de l’album de Fayçal, il était logique que ce mois de juin soit dominé par un des titres de son album. Un album monstrueux qui pourrait constituer le top à lui tout seul. Comme cela en devient l’habitude, l’Animalerie continue de nous impressionner et suit de très près Fayçal. Obligé de saluer ce que font notamment leurs deux locomotives que sont Anton Serra et Lucio Bukowski qui n’en finissent pas de sortir des sons tous meilleurs les uns des autres. On a également pu apprécier Missak en plus de ces deux meneurs. On retrouve aussi Morad qui nous annonce qu’il arrête le rap sur une très belle chanson,  et s’il le fait vraiment, on ne pourra que le regretter. Un premier extrait du Punchliners Reloaded de Sear Lui-Même nous a aussi fait plaisir et donné envie d’écouter le reste de l’album. Puis viennent dans le désordre L’indis en featuring avec Sëar Lui-Même, Nekfeu avec son freestyle pour annoncer l’album de S-Crew, Rapsodie qui s’est accompagné de Swift Guad et enfin Lomepal qui n’en finit pas de s’améliorer.

1. Fayçal – Lettres De Noblesses

2. Anton Serra – Freestud

3. Lucio Bukowski – Combat De Pouce

4. Morad – J’arrête Le Rap

5. Missak – Post Scriptum

6. Lomepal – Les Battements

7. Sëar Lui-Même – La Crise (feat Alpha Wann & Eff Gee)

8. Nekfeu – De L’autre Côté De La Seine

9. L’Indis & Sëar Lui-Même – C’est Grave

10. Rapsodie – Sale Journée (Feat Swift Guad)

Par Bastien

Best Of Du Mois Rap FR Top Songs

[Chronique] Anton Serra – Frandjos

Connaissez-vous Anton Serra? Ce vandale de Lyon qui accessoirement fait du rap avec son crew, la toujours plus fameuse Animalerie! Juste une année après le premier album intitulé Sales Gones («sales gosses» en patois), voici Frandjos, second album de ce petit génie de la poésie énervée qui sait faire parler toutes les émotions. Vraisemblablement les Frandjos de l’artiste sont d’abord ses deux grands frangins, et ensuite sa famille au sens le plus large du terme, tous les potos inclus. Voilà pour le titre, l’artiste se décrira lui-même à travers les chansons que je vais présenter une à une, intérêt qu’elles méritent, vu la multiplicité des thèmes qui sont abordés. L’album contient 14 titres, dont 2 remix ( Frandjos et Aimer tue), leurs instrus valent le détour. Attaquons:

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1. Frandjos
Le titre de l’album apparait à la première chanson, on retrouve la nostalgie du rappeur, un regard sur ses frérots, un passage aux éternelles heures de délire avec les potes, puis un premier coup dans les jambes, la perte d’un frère en 94. Trois couplets qui lient Anton Serra à ses Frandjos, dans les liens du sang, avec des potes, parfois avec des pertes. Ce titre, avec ces trois aspects, insiste sur le fait que la famille (encore une fois au sens large) est présente dans tous les moments, du berceau à la tombe. C’est un hommage à ces liens qui nous font délirer quand tout roule et peuvent nous tenir debout quand ça dérape.

2. Aimer Tue
Ce texte magnifiquement composé de divers jeux de mots contient une métaphore filée, comme dirait mon prof de français, sur toute la durée du titre. Les femmes et les clopes, voilà la comparaison qui tient la chanson, à l’image du titre qu’on pourrait voir affiché sur les poitrines dans la rue. Le nombre de jeux de langage, de double-sens utilisé est remarquable, l’auteur veut arrêter mais il n’y parvient pas.
« Aucune chance pour le strike, pas d’Lucky pour faire tomber les quilles»
L’addiction aux femmes comme aux cigarettes le tourmente mais produit aussi des plaisirs considérables… «Aimer tue? j’te pose la question». Magnifique texte, magnifique chanson, une préférence pour l’instru du remix.

3. J’voulais pas (feat Enapoinka)
Suite du J’voulais du premier album qui décrivait ses envies de gamin, voici le même délire à l’inverse. Chanson sympa qui renoue avec l’éternel enfant qui séjourne en chacun de nous (surtout en Anto). Accompagné d’Enapoinka, autre membre de l’Animalerie, il nous livre ce qu’il ne voulait pas en tant que jeune adolescent.

4. Sans Toi
La femme source d’inspiration? Si on la retrouve souvent dans des chansons peu joyeuses dans le rap, Anton l’aborde ici d’une manière différente, pleine de questions. D’une manière si tordue d’ailleurs qu’il m’a fait douter qu’il parlait bien de sa bien-aimée. Très belle chanson, un clip avec Oster Lapwass.

5 Hé Oui (feat Missak)
Hé oui! L’Animalerie pète sa mère! Un texte qui parle de la place de ce groupe dans le rap. Hé oui, ils sont bien moins connus et bien meilleurs, ils s’y font peut-être gentiment mais ne peuvent pas s’empêcher de dire que c’est qu’une question de logique, y’a beaucoup de déchets dans le rap. Missak est un sacré kickeur et apporte du lourd à ce son:
« La vérité ça va pas, comme airmax, pattes d’éph’»

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6.Why Not Groove
Une ambiance particulière, bien festive, chill dans ce titre qui pourtant critique un interlocuteur, un rappeur «bad boy» qui se prend largement la tête, ce qui suit bien la chanson précédente. Ce morceau illustre bien le concept de «groove», l’instru nous emporte.

7. Navigator
«Dans l’océan de mes feuilles volantes, ma petite croisière a jeté l’encre»
La vie n’est pas un long fleuve tranquille, plutôt une mer agitée pour Anton Serra. A nouveau une métaphore qui tient une chanson entière. Je vais laisser le texte parler:
«Ne cesse jamais de ramer, c’est pourtant pas la mer à boire.»

8. Zaïro
« Moi j’rap par le biais du graffiti» nous confie notre artiste dans ce morceau. Le titre vient d’un graffeur décédé le 19 novembre 2011 d’un coup de couteau et ce morceau lui laisse un hommage convaincant, montrant l’amour de l’artiste pour cet art de rue. On retrouve les disciplines du hip-hop toujours liées.

9. Toujours le même thème (feat Enapoinka)
«Nique la police!» rengaine éternel du rap, arrive avec une ambiance film de cow-boy et est scandée une fois de plus avec succès bien qu’ils soient conscients de la répétition. On parle des facultés intellectuelles exceptionnelles des agents.

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10. Not’ Ville (feat Lucio Bukowski)
Lyon, ville de l’Animalerie avec Bukowski deuxième du nom, poète rappeur que j’affectionne particulièrement. La ville est personnifiée tout au long de la chanson, joli duo où les deux rappeurs se renvoient la parole, très belle maitrise, belle réussite.

11. Requiem pour un Cauchemar
Référence, bien sur, au film «Requiem For A Dream» qui aborde, à l’instar de la chanson, les dangers de la drogue. Pas du tout moralisateur, simplement réaliste, les suites cauchemardesques éventuelles de la toxicomanie sont présentées, l’ambiance la plus noire de l’album, pas moins réussie.

12. La Carte de L’ignorance (feat Dico et Nadir)
« La vie est bien plus belle quand elle est romancée
un nanar écrit one-shot qu’on aimerait tant recommencer »
La réflexion, son trop plein, tout ce qu’on aimerait pas savoir, voilà le thème de la chanson, l’absurde, parfois. Un gros retour de Nadir qui fait vraiment plaisir. Des doutes qui reviennent, peut-être ma chanson préférée de l’album.

On arrive à la fin de ma chronique un peu longue de cet excellent album! Je dois avouer qu’à la première écoute, je le croyais inférieur au premier mais plus je l’écoute, plus je le trouve abouti. A vous de juger, bonne écoute!

Voici le lien du site de l’animalerie, là où vous devez vous rendre pour soutenir tout ce beau monde: http://www.osterlapwass.fr/crew/1

16/20

Par Loïc

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