Des millions, Roc Nation Sports, les Nets de Brooklyn ou encore le magasine Forbes sont les raisons qui font essentiellement parler de Jay-Z ces dernières années. Malgré l’excellent Watch The Throne, qui contait la réussite de Kanye West et Jigga, et son rôle de producteur pour la bande sonore de Gatsby le Magnifique, la présence de Shawn Carter, ces dernières années dans la musique, reste quasi symbolique. A l’image de sa carrière tournée principalement vers le business économique, une énorme campagne publicitaire et promotionnelle, en partenariat avec Samsung, a entouré la venue du 12ème album solo de Jay-Z, intitulé ni plus ni moins, Magna Carta… Holy Grail. Cet album est-il un nouveau produit dérivé? Les moyens mis en oeuvre pour promouvoir l’album, toutefois de manière très rapide, ne peuvent que véhiculer ce pressentiment. Cependant, à l’écoute des vidéos promotionnelles, on se laisse s’imaginer Le Saint-Graal, servi par un Jay-Z bonifié à travers les années et soutenu par des instrumentales divines, concoctées par une équipe de producteur de rêve: Swizz Beatz, Pharell Williams, Timbaland.
« The album is about this duality of how do you navigate your way through this whole thing, through success and through failures, and remain yourself? »
Dans la première vidéo promotionnelle, Hov’ nous promettait un thème central partagé entre succès et échec. Les odes à la réussite, à l’argent et à la luxure, propre à l’ensemble de la carrière de Jigga, sont encore présentes sur cet album; dans cet excellent « Picasso Baby », dédié à l’art par de multiples références, et dans ce luxurieux « Tom Ford », entre autres, tout en percussions. Jusqu’ici, rien de neuf; ces thèmes furent le sujet principal de la discographie de Jay-Z, rappé de Reasonable Doubt et arrivant à leur apogée dans Watch The Throne. Toutefois, il saura nous surprendre en ajoutant un peu d’introspection; un sujet trop peu présent tout au long de sa carrière; dans ce Jay-Z Blue, par exemple, dans lequel il nous fait part de quelques doutes et questions rencontrées lors de sa récente vie de père ainsi que dans Heaven dans lequel sa position par rapport à la religion est évoquée brièvement.
Magna Carta… Holy Grail est un très bon album. Toutefois, ce n’est pas le meilleur disque de Jay-Z: son flow a perdu de sa superbe malgré le fait qu’il soit rattrapé par d’excellentes instrumentales, Timbaland servant à Jigga des productions singulières et qui rompent avec son manque de renouveau, sans cesse critiqué. Le Shawn Carter brillant de techniques lyricales et d’interprétations multiples est donc probablement mort après The Black Album et enterré après American Gangster; les puristes et fan de la première heure devront avoir fait le deuil sur ce Jay-Z pour pouvoir vraiment apprécier cet album.
Magna Carta… Holy Grail nous laisse une écoute de Jay-Z dans l’ère du temps, caractérisée par cet essai sur des productions plus « trap », plus en vogue, comme sur Crown, produit par Wondergurl, jeune canadienne de 16 ans, ou sur la sombre instrumentale de Boi-1-Da, FuckWithMeYouKnowIGotIt, malheureusement gâchée par un Rick Ross au sommet de sa médiocrité. Cet album en lui-même ne justifie pas le titre de Best Rapper Alive, que l’on pourrait attribuer à Jigga. Cependant, à 42 ans et ajouté à son énorme discographie, cela suffit à en faire le meilleur prétendant.
Par Dimitri